Mezyad AlMasoud est titulaire de deux maîtrises et PDG d’une entreprise qui gère l’argent d’athlètes professionnels. Il est également l’un des immigrants hautement qualifiés forcés de quitter les États-Unis en raison de la réforme du système d’immigration en 2017.
AlMasoud, qui a grandi au Koweït, désirait aller vivre en Amérique depuis son enfance.
« J’aimais les États-Unis. Je regardais le football de la NFL (Ligue nationale de football américain), et, bien sûr, je suis un grand admirateur de beaucoup de musiciens américains », a-t-il déclaré à CIC News.
En 2015, il s’est installé en Amérique grâce à une autorisation de travail temporaire offerte dans le cadre du programme « Optional Practical Training » (OPT). Un an plus tard, en 2016, il a démarré une entreprise, Flair inc.
À l’époque, AlMasoud pouvait compter sur un programme d’immigration de l’ère Obama appelé « International Entrepreneur Rule » (IER) pour lui permettre de rester aux États-Unis.
Cependant, en 2017, l’administration du président Donald Trump a décidé d’annuler le programme IER. AlMasoud a été informé qu’il allait devoir quitter le pays.
« C’était un très triste moment pour moi », a-t-il déclaré. « J’étais un peu désorienté et je ne savais pas quoi faire, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à chercher d’autres options. »
Les données de l’élection présidentielle américaine recueillies depuis 2016, montrent que les demandes de travailleurs qualifiés temporaires pour un nouvel emploi, connues sous le nom de H-1B, sont de plus en plus souvent refusées aux travailleurs étrangers qui se trouvent aux États-Unis.
Selon la National Foundation for American Policy, les taux de refus sont passés de six pour cent en 2015 à 32 pour cent au premier trimestre de 2019.
Au Canada, c’est une tout autre histoire, les programmes fédéraux et provinciaux ouvrent grandes les portes aux professionnels talentueux comme AlMasoud.
Selon Statistique Canada, le nombre d’employés dans le secteur professionnel, scientifique et technologique a augmenté de 4,5 pour cent entre 2017 et 2018, et l’immigration devrait contribuer de manière importante à la croissance de la population active au cours des deux prochaines décennies.
C’est un de ses amis de l’école de commerce qui lui a suggéré de déménager au Canada. Il a présenté une demande dans le cadre du Programme de visa pour démarrage d’entreprise et sa demande a été traitée en moins d’un mois, a-t-il dit.
En février 2018, il est arrivé à Vancouver, en Colombie-Britannique, où il habite encore aujourd’hui.
« Je fais de la randonnée au moins une fois par mois, dit-il. « Et la nourriture est incroyable, et la communauté est très diversifiée… J’ai beaucoup de nouveaux amis, donc c’est super. »
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Le Canada accueille les talents refusés par les É.-U.
L’ami qui a encouragé AlMasoud à se tourner vers le Canada est Jake Tyler, cofondateur et PDG de Finn AI, une entreprise vancouvéroise qui offre des solutions d’intelligence artificielle aux banques du monde entier.
Les deux se connaissaient depuis leurs études à l’IE Business School, en Espagne.
Originaire d’Australie, Tyler a cofondé Finn AI avec son compatriote indien Guru Altu et l’entrepreneure canadienne Natalie Cartwright, qui en est la directrice de l’exploitation. Tout comme AlMasoud, Tyler et Altu ont pu développer leur entreprise au Canada grâce au Programme de visa de démarrage d’entreprise.
Mme Cartwright a expliqué à CIC News que les immigrants constituent une partie importante du bassin de talents de Finn AI, elle a d’ailleurs récemment embauché une personne qui a une histoire semblable à celle d’AlMasoud.
« Nous avons embauché quelqu’un qui a été expulsé des États-Unis et qui était un spécialiste des données d’un talent exceptionnel », a-t-elle dit. « Nous avons pu profiter de cette situation pour lui trouver un poste au Canada. »
Le Volet de talents mondiaux du Canada a permis à l’entreprise d’attirer des travailleurs qualifiés en aussi peu que deux semaines. Cartwright a pu constater le fonctionnement du processus lors de l’embauche récente d’un employé de Finn AI.
« La personne a obtenu l’approbation en quatre jours et est arrivée ici en deux semaines », a dit Mme Cartwright. « Cette certitude de pouvoir faire venir des gens nous permet de trouver des talents internationaux. »
Selon un porte-parole de Finn AI, 54 pour cent du personnel du bureau de Vancouver est composé d’immigrants. Le bureau de Toronto de l’entreprise compte actuellement un employé et le bureau de New York est composé de trois agents de vente qui sont américains ou qui détiennent un permis de travail aux États-Unis.
Mme Cartwright a dit ne pas avoir beaucoup d’expérience dans l’embauche de travailleurs internationaux par le biais du processus d’immigration américain, mais elle le décrit comme « long » et « incertain ».
« Il y a beaucoup d’incertitude tant pour l’individu que pour l’entreprise », a-t-elle déclaré. « Quand on cherche à embaucher quelqu’un, six mois [de temps de traitement], c’est trop long. »
Les entreprises américaines déclarent également qu’il est plus facile d’embaucher des immigrants pour travailler à leurs bureaux au Canada.
Thor Kallistad, le PDG de DataCloud, a qualifié les politiques d’immigration du Canada de plus « saines ».
DataCloud offre des solutions technologiques à l’industrie minière et opère dans la Silicon Valley en Californie et dans la province canadienne de la Colombie-Britannique, celle-ci possède un secteur minier bien développé.
« Il est bien pratique… que les principaux moteurs de [notre entreprise] se trouvent en Colombie-Britannique », a-t-il déclaré à CIC News depuis son bureau en Californie. « Et en plus, la politique d’immigration est plus prévisible au niveau du recrutement, ce qui a bien fonctionné pour nous. »
Une perte de talents au profit du Canada avant Trump
Emmanuel Delaporte a quitté la France pour Boston, Massachusetts, en 1999. À l’époque, l’entreprise où il travaillait comme analyste en Technologie de l’Information (TI) parrainait sa demande de résidence permanente aux États-Unis.
Il fallait que Delaporte soit employé par cette entreprise jusqu’à ce qu’il obtienne sa carte verte américaine ou son statut de résident permanent.
Delaporte s’est rendu compte, en 2004, que l’entreprise était en difficulté et que la possibilité de perdre son emploi mettrait sa demande de carte verte en cause. Il lui fallait soit recommencer le processus avec une autre entreprise, soit quitter le pays.
« Je n’ai pas été expulsé du pays », a dit M. Delaporte. Je savais que ce serait difficile pour moi de rester, alors j’ai décidé de préparer ma sortie avant d’être dans une situation difficile. »
Il a fait sa demande de certificat de sélection du Québec et un an plus tard, en 2005, il a déménagé à Montréal, au Québec.
« Je n’avais pas d’offre d’emploi… au Québec et au Canada, vous pouvez postuler seulement avec vos titres de compétences, qui vous êtes, et votre curriculum vitae », dit Delaporte. « On n’a pas besoin d’entreprise. »
Aujourd’hui, Delaporte est toujours à Montréal et travaille chez CGI, une entreprise de consultation en TI de renommée internationale.
« Cela fait près de 15 ans que je suis ici », dit-il. « Je suis d’ici à présent. »
Delaporte n’a pas voulu révéler le nom de son ancien employeur américain, mais il a déclaré que l’entreprise avait fermé ses portes.
« Un sentiment de liberté »
Andrei Charepka, du Bélarus, est développeur de logiciels dans une entreprise qui fabrique des systèmes électriques pour l’industrie aérospatiale. Avec son épouse, originaire de Russie, il vit à Ottawa, en Ontario, où il s’est installé après huit ans de travail aux États-Unis.
Il a rencontré sa femme dans un camp d’été américain où ils travaillaient tous les deux en 1998. Ils ont essayé de venir au Canada peu de temps après en faisant une demande de visa d’étudiant, mais à l’époque, ils n’avaient pas assez d’argent pour être admissibles.
Charepka a fait son baccalauréat en sciences aux États-Unis, mais son objectif a toujours été de venir s’installer au Canada.
« Il est devenu évident, après plusieurs années passées aux États-Unis, que nous n’avions pas d’avenir là-bas », a déclaré Charepka. « Je pouvais renouveler le visa [temporaire], mais il ne me semblait pas probable d’obtenir une [carte verte] là-bas… et [le Canada] avait un programme d’immigration pour lequel étions admissibles et qui nous permettrait de venir ici. »
Après avoir obtenu son diplôme, Charepka était titulaire du permis de travail temporaire H-1B, qu’il devait renouveler tous les trois ans.
« Si vous travaillez pour le même employeur, l’employeur peut demander une carte verte », a déclaré Charepka. « Il faut beaucoup d’efforts de la part de l’employeur pour démontrer que le candidat ne peut être trouvé localement. »
Lorsque sa femme et lui ont finalement présenté une demande au Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) du Canada, M. Charepka a dit qu’il a fallu environ un an et demi pour en faire le traitement. En 2006, ils ont pu venir au Canada avec Charepka à titre de demandeur principal.
« C’était un sentiment étrange parce que c’était un sentiment de liberté…. parce que nous avions finalement trouvé un endroit auquel nous appartenions, » a confié Charepka. « Le statut de résident permanent nous permet de partir et de revenir en paix. Nous nous sentons comme des membres à part entière de la société. »
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Traduit de l’anglais par Alexandra Miekus
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