Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé aujourd’hui que les Canadiens se rendront aux urnes le mois prochain pour élire un nouveau gouvernement fédéral.
Trudeau a présenté le vote à venir comme un choix entre « continuer d’avancer » ou retourner aux « politiques ratées » du Parti conservateur du Canada qui, en 2015, a cédé les rênes du pouvoir au Parti libéral dont il est le chef.
« Tel est le choix qui s’impose, » a dit M. Trudeau. « C’est aussi clair que ça, et c’est aussi important que ça. »
Dans les sondages, les deux partis sont, en effet, à égalité au moment où ils s’engagent dans la campagne.
On s’attend, généralement, à ce que l’immigration devienne un enjeu de cette élection. Bien que les principaux partis politiques fédéraux du Canada soient tous en faveur de l’immigration, au cours des quatre dernières années, leurs positions ont divergé sur un certain nombre de questions, notamment celles des demandeurs d’asile et des taux d’immigration au Canada.
Les demandeurs d’asile
Depuis l’investiture du président américain Donald Trump en 2017, près de 50 000 personnes — pour la plupart des gens qui ne sont pas américains — ont franchi les points d’entrée non officiels des États-Unis pour venir au Canada demander l’asile.
Les répercussions ont été nombreuses. La forte augmentation du nombre de demandes d’asile a notamment surchargé la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et l’a forcée à renoncer à son délai d’attente de 60 jours pour les audiences de protection — lequel est maintenant de presque deux ans d’après les estimations.
Les conservateurs ont maintes fois décrit la situation comme une « crise » qui a miné la confiance de la population en ce qui concerne les frontières du Canada et affaibli son soutien de l’immigration de façon plus générale.
Les libéraux ont riposté contre cette étiquette de « crise » en accusant les conservateurs de répandre de la désinformation sur cette situation et de s’en servir pour alimenter les craintes au sein de la population dans le but de faire des gains politiques.
Le leader du parti conservateur, Andrew Scheer, a publiquement remis en question la légitimité de nombreux demandeurs d’asile, déclarant à un auditoire que « certains peuvent éviter les files d’attente, exploiter les failles du système et court-circuiter le système . »
Les « failles » dont il est question se trouvent dans l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) conclue entre le Canada et les États-Unis.
L’entente stipule que les deux pays sont sécuritaires pour les réfugiés et elle impose des restrictions aux demandeurs d’asile cherchant à transiter la frontière canado-américaine. Toutefois, l’accord ne couvre que les demandes présentées aux postes-frontière, cela a donc entraîné une augmentation du nombre de passages dits « irréguliers » entre les points d’entrée officiels.
Les libéraux ont songé combler cette faille, et Scheer s’est engagé à le faire s’il est élu.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) du Canada, un parti de gauche et qui occupe le troisième rang dans les sondages d’opinion, a demandé la suspension de L’ETPS, affirmant que les États-Unis, sous Donald Trump, ne constituent pas un pays « sûr » pour les réfugiés.
La porte-parole du NPD en matière d’immigration, Jenny Kwan, a déclaré plus tôt cette année qu’une suspension de l’ETPS « permettra aux demandeurs et demandeuses d’asile d’entrer de façon sécuritaire et ordonnée à des points d’entrée autorisés afin de faire une demande d’asile. »
Elizabeth May, la chef du Parti vert du Canada, s’est opposée aux efforts déployés par les libéraux pour combler les failles et prévenir les passages irréguliers, affirmant que cette approche « ne reflète pas les valeurs canadiennes d’hospitalité et de protection. »
« Les gens qui risquent leur vie pour traverser une frontière au milieu de l’hiver sont désespérés et à court d’options », a déclaré Mme May dans un communiqué plus tôt cette année.
Les sondages d’opinion publiés au cours de l’année ont révélé un clivage partisan de plus en plus marqué au sujet des réfugiés et de l’immigration en général. Les électeurs conservateurs se montrent plus préoccupés par ce sujet que les partisans des libéraux et des autres grands partis fédéraux du Canada.
Les seuils d’immigration
Les libéraux et les conservateurs ont également été en désaccord en ce qui concerne les niveaux d’immigration au Canada qui ont considérablement augmenté depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau en 2015.
De plus, en 2017, le gouvernement libéral a adopté une nouvelle stratégie de planification des niveaux d’immigration qui est passée d’un plan annuel unique à un plan triennal. Le premier plan dit « pluriannuel » prévoyait une augmentation graduelle du nombre d’immigrants admis au Canada au cours de chacune des trois années suivantes, soit de 310 000 en 2018 à 340 000 en 2020.
Ce plan a été suivi l’an dernier d’une mise à jour qui prévoit que, d’ici 2021, le nombre de nouveaux arrivants admis au Canada passera à 350 000, ce qui correspond à presque un pour cent de la population canadienne.
Selon le Conference Board du Canada, ce « un pour cent » constitue le taux de référence pour contrer les effets qu’auront la baisse du taux de natalité au Canada et l’augmentation des départs à la retraite sur le développement social et économique du pays au cours des années à venir.
Toutefois, les conservateurs ont comparé l’approche libérale à l’égard des taux d’immigration à une « vente aux enchères » qui ne tient pas compte des possibilités d’emploi pour les personnes qui sont admises au Canada ou des besoins actuels des employeurs au pays.
S’il est élu, M. Scheer affirme qu’un gouvernement conservateur « établira des niveaux d’immigration cohérents avec les intérêts du Canada », mais il n’a pas fourni de cibles précises.
Le NPD, quant à lui, a réclamé des cibles d’immigration plus ambitieuses qui reflètent une « répartition plus équilibrée et diversifiée » de nouveaux arrivants, y compris un plus grand nombre de réfugiés parrainés par le secteur privé et pris en charge par le gouvernement.
Un plaidoyer pour la civilité et le respect
Des représentants du milieu des affaires canadien et plus de 140 organisations de la société civile ont demandé aux dirigeants politiques fédéraux du Canada d’éviter de faire de l’immigration un enjeu au cours des prochaines semaines, ou au minimum de modérer considérablement le débat sur la question.
Le président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires, Goldy Hyder, a déclaré à Reuters cet été qu’il espérait que l’immigration ne servirait pas « d’arme politique au Canada comme ce fut le cas aux États-Unis ».
« Il est évident que le Canada aura besoin d’immigrants pour assurer la croissance de l’économie », a-t-il affirmé.
Plus de 140 organisations de la société civile ont signé une lettre ouverte dans laquelle elles ont lancé un plaidoyer semblable.
Cette lettre, publiée par le Conseil canadien pour les réfugiés et appuyée par des organisations comme Amnistie internationale Canada, le Conseil canadien des Églises et le Conseil canadien des imams, invite les dirigeants politiques du Canada, entre autres, à discuter des réfugiés et de la migration de manière à ne pas contribuer à la xénophobie et au racisme ni à promouvoir la désinformation.
« Nous savons que les Canadiens sont fiers des valeurs de compassion, d’égalité et de sécurité pour tous », peut-on lire dans la lettre.
« Lors de la prochaine campagne électorale fédérale, nous vous demandons de faire preuve de leadership en respectant ces principes et en condamnant les atteintes que d’autres pourraient y porter. »
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Traduit de l’anglais par Alexandra Miekus
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